Soutenance de thèse de Mohamed Slim Ben Youssef
ED 67 - Sciences juridiques et politiques, Aix-Marseille Université
« Des mondes du travail en révolution ? Une sociologie politique des (dés)ordres industriels en Tunisie post-2011 »
Vendredi 6 décembre 2024, 14h, MMSH, salle Duby, Aix-en-Provence et en visioconférence sur inscription, contact : Amin Allal, amin.allal[at]gmail.com
JURY
Eric Gobe, CNRS, IREMAM, directeur de thèse.
Assia Boutaleb, Université Paris Panthéon-Sorbonne, rapporteuse.
Benjamin Rubbers, Université de Liège, rapporteur.
Myriam Catusse, Ifpo, examinatrice.
Amin Allal, CERAPS, Codirecteur de thèse.
Choukri Hmed Université Paris Cité, président.
Sophie Béroud, Université Lumière Lyon 2, examinatrice.
Résumé de la thèse
Au lendemain du soulèvement populaire tunisien de 2010-2011, les protestations sociales se multiplient dans tout le pays. Dans les arènes du travail, la conflictualité en hausse se traduit par des mobilisations ouvrières et une importante syndicalisation dans les entreprises. Ceci s’est accompagné par des stratégies patronales et managériales diverses cherchant à domestiquer les revendications salariales et/ou à réprimer leurs porteurs.
A partir d’un dispositif d’enquêtes qualitatives déployées sur plusieurs situations de travail, cette thèse cherche à comprendre les ressorts de la (dé)stabilisation de l’ordre industriel en temporalité révolutionnaire. En se focalisant sur la parole et les pratiques des protagonistes de ces luttes, elle entend saisir simultanément les économies morales de la domination au travail et les formes d’agentivité des salarié.es et de leurs représentant.es syndicaux. Pour ce faire, l’enquête s’y déploie autour des cas suivants : une usine de biscuits (L’Appétissante) et une usine de verre (Technoverre) situées à l’ouest du Grand Tunis ; le premier centre d’appels implanté en Tunisie (Teleperformance) ; et un grand groupe de l’industrie textile tunisienne, située dans la région du Sahel (Sporbic).
Mon approche consiste à saisir, au sein même des moments de contestation, les traces de l’ordre industriel considéré comme légitime par les travailleur.ses. D’une part, Les évocations nostalgiques des anciens patrons à des moments de conflictualité appellent un paternalisme en crise dont ce manuscrit retrace la socio-histoire. En mobilisant cette notion, le présent travail articule l’enjeu de la légitimité d’un ordre industriel – et inséparablement politique – à celui de la subsistance matérielle des subalternes. Il explore non seulement la généalogie de ces ordres producteurs de consentement, mais s’interroge aussi sur leurs crises de reproduction. D’autre part, les mobilisations salariales ont lieu sur le fond d’une temporalité révolutionnaire, produisant des effets transversaux sur les anticipations réciproques des acteurs des mondes du travail. Il en va ainsi pour les syndicalistes « de base », à l’interface du champ syndical et des relations de travail, et pour les directions d’entreprise et leurs strates managériales.
Refusant à la fois le déterminisme économique et les lectures post-matérialistes dans l’analyse des mobilisations, cette recherche réaffirme la dimension politique des rapports de travail et de subsistance. Elle invite à réintroduire les économies politique et morale des ordres industriels afin d’en saisir les processus de (dé)légitimation, et à en appréhender les (re)productions à l’aune d’un élargissement relatif des capacités autonomes des dominé.es en temporalité révolutionnaire.