L’IREMAM accueille des recherches sur l’histoire des mondes arabes et musulmans (Maghreb, Mashreq, Turquie, Iran, Asie centrale, Afrique subsaharienne et pays de la mer Rouge) des premiers siècles de l’islam à nos jours.
Tout en conservant un ancrage traditionnel en histoire sociale, entendue au sens très large, qui les réunit, les historiens de l’IREMAM s’inscrivent dans la dynamique de méthodes et de champs de l’historiographie en plein renouvellement : histoire économique, histoire environnementale, micro-histoire. Si l’histoire coloniale reste un objet important pour le pôle, du fait de la présence à Aix-en-Provence des Archives nationales d’outre-mer (ANOM), celle-ci s’inscrit désormais dans des chronologies plus vastes. De manière générale, les membres du pôle proposeront d’enjamber les classifications temporelles habituelles (généralement par dynastie, comme la période ottomane) et géographiques (Maghreb-Mashreq) à travers un goût partagé pour l’histoire longue.
Les historiens de l’IREMAM associeront leur attention accordée au multilinguisme des sources – particulièrement à la langue arabe – de nouvelles réflexions sur leurs conditions d’accès et de conservation, en prenant en compte les nouvelles possibilités offertes par les humanités numériques. Soucieux de l’évolution des conditions d’accès au terrain encore restreintes ces dernières années, les historiens déploient des moyens alternatifs pour rendre accessibles les sources des pays couverts par leurs recherches du Maroc à l’Iran jusqu’à l’océan Indien.
Les membres de l’équipe se réunissent mensuellement autour de la présentation de travaux en cours de chercheurs et de doctorants du laboratoire et/ou de chercheurs invités. Les enseignants-chercheurs de l’équipe d’histoire organisent tous les mois un séminaire de formation pour les étudiants de Master intitulé « Faire l’histoire du monde islamique, VIIe- XXe siècles ».
Responsables du pôle : Amélie Chekroun et Didier Guignard
Chercheur·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, émérites : Ghislaine Alleaume (émérite), Amélie Chekroun (CR), Hadrien Collet (CR), Juliette Dumas (MCF), Aurélia Dusserre (MCF), Vanessa Guéno (IR), Didier Guignard (CR), Juliette Honvault (CR), Julien Loiseau (PU), Brigitte Marino (CR), Sabrina Mervin (DR), Nicolas Michel (PU), Christine Mussard (MCF), Norig Neveu (CR), Mohamed Ouerfelli (MCF), Camille Rhoné-Quer (MCF), Iris Seri-Hersch (MCF), Michel Tuchscherer (émérite)
Post-doctorante : Annalaura Turiano
Doctorant·e·s : Kaïna Benbetka, Virginia Grossi, Feruza Makhmasobirova, Luca Nelson-Gabin, Jamela Ouahhou, Yoan Parrot, Shahista Refaat, Ahmed Saad
Chercheur·e·s associé·e·s : Ahmad Al Amer, Nadia Ali, Mohamed Hamidoune, Géraldine Jenvrin, Thibaud Laval, Tommaso Palmieri, Musa Sroor, Yassine Temlali
Les recherches sur l’Islam médiéval continuent de se développer au sein de l’équipe d’histoire, avec l’arrivée depuis le quinquennal 2017-2022 de trois nouveaux membres (A. Chekroun, J. Loiseau, M. Ouerfelli). Une attention particulière est portée aux régions dites des marges du Dār al-islām, ainsi qu’aux points de contacts entre des régions dont les historiographies ont longtemps été cloisonnées. Se situant au carrefour de plusieurs entités politiques, culturelles, voire d’aires civilisationnelles, les régions dites « des marges » interrogent le chercheur sur la diversité des centralités, des polarisations territoriales, des identités régionales. Les régions du Khorasan et de la Transoxiane sont ainsi les points de contact entre Orient islamique, mondes indiens et chinois et espace russe, mais aussi entre des entités politiques et groupes de taille inférieure. Dans la Corne de l’Afrique, les pouvoirs islamiques successifs sont en interaction et en compétition avec le royaume chrétien d’Éthiopie et des entités « païennes », tout en entretenant des liens étroits avec les pays de la mer Rouge, et plus largement avec l’océan Indien.
Au sein de ce groupe, les chercheurs s’intéressent aux circulations des hommes, des biens, des idées et aux échanges diplomatiques, entre les marges et les régions plus centrales du monde islamique, qui transcendent les frontières politiques tout au long de l’époque médiévale jusqu’au début de l’époque ottomane. L’étude de ces circulations amène à réfléchir à leur impact sur le contrôle des territoires, les thématiques frontalières ou les métissages culturels, que ce soit le long de la « route de la soie », sur les pourtours de la mer Rouge ou entre Orient et Occident. Les régions du Khorasan et de la Transoxiane sont ainsi les points de contact entre Orient islamique, mondes indo-chinois et espace russe, mais aussi entre des entités politiques et groupes de taille inférieure, telle l'Arménie, dont les sources sont étudiées à la croisée de l'histoire et de la littérature à travers des collaborations entre membres des pôle Histoire et pôle LLL.
L’IREMAM accentuera son intérêt pour l’étude des mondes ruraux sur le fondement d’acquis déjà solides. Tout en s’emparant des questions classiques de l’histoire rurale (appropriation du territoire, ressources et conjoncture, droit foncier, mouvement des populations), l’équipe des historiens adoptera deux angles spécifiques. Fidèles à l’approche micro-historique, ils mettent au centre de leur recherche le village, le marécage ou l’exploitation agricole comme lieu de rencontre entre une société humaine et son contexte écologique. L’échelle réduite du village, du marais ou de la ferme permettra de déplier les généalogies et les pratiques économiques sur le temps long, au-delà des ruptures politiques. Ils s’inscrivent de plus en plus dans le développement récent de l’histoire environnementale en proposant des travaux sur le paysage, les rapports entre aléas climatiques et peuplement, la structuration des espaces par les migrations, les relations de travail et les usages différenciés des ressources. Cette approche n’exclut pas la ville et recourt à des outils techniques de fabrique de cartes (comme les systèmes d’information géographique - SIG) sur des terrains variés (Jordanie, Palestine, Égypte, Algérie, Maroc). En recourant aux sources produites dans et sur les campagnes, celles-ci ne seront pas saisies comme les marges des villes mais bien comme le cœur de sociétés restées majoritairement rurales jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle.
Par ailleurs, la question d’un « paysage islamique » et du rôle de l’islamisation dans le façonnement des paysages sera développée par plusieurs projets pour les périodes plus anciennes. Dans l’espace irano-centrasiatique, un projet sera mené sur les interactions hommes- environnement à travers la question des rapports des sociétés à la ressource hydrique, dans le prolongement du projet SO-LONG (2021-2023, 18 mois, resp. Camille Rhoné-Quer) et du projet PROPULSE (2022-2024, 24 mois, resp. Elodie Brisset, AMU/IMBE), dans une approche interdisciplinaire (activités menées avec des spécialistes de paléoenvironnement). Dans le prolongement de l’ERC HornEast (2018-2023), des études de terrain dans la Corne de l’Afrique permettront de poursuivre les réflexions sur l’islamisation de la région, tant par les données archéologiques que textuelles, et le façonnement du paysage islamique local, notamment par l’étude des pratiques funéraires.
Cet axe bénéficiera des résultats de l’ANR-DFG EGYLandscape qui s’achève en 2023, avec la publication programmée de ses résultats (ouvrage collectif et webSIG), ainsi que la publication de plusieurs habilitations qui seront soutenues à court terme (Didier Guignard, Christine Mussard, Iris Seri-Hersch). Un projet d’ANR, porté par Mohamed Ouerfelli, sur l’économie céréalière, l’approvisionnement des villes et les pratiques de conservation des céréales du Moyen-Âge à l’époque moderne au Maghreb est en cours de rédaction.
Dans le prolongement de deux anciennes thématiques du pôle histoire (Transmission des biens et Savoirs, pouvoirs, mémoires), la création d’une nouvelle thématique est justifiée par les orientations nouvelles des recherches des membres de l’IREMAM et de récents recrutements. Les historiens de l’IREMAM envisageront ainsi les institutions dans leurs interactions avec les acteurs qui les façonnent ou qui en sont les bénéficiaires. Des sollicitations des sujets ou citoyens envers l’État et ses services publics aux lieux d’arbitrage comme les tribunaux, les politiques publiques ou la fabrication des autorités seront envisagées à travers des pratiques collectives. En conséquence, ce sont des institutions à toutes échelles qui seront étudiées : outre les autorités religieuses transnationales (Église, oulémas) et les administrations nationales (bayt al-māl, ministères, sultans…), les institutions locales sont privilégiées pour leurs fonctions de médiation (associations, fondations pieuses, écoles). Cette thématique est sensible au récent renouveau de l’histoire économique : les pratiques de transmission du patrimoine, les transferts de richesse par la générosité, la fiscalité ou la production de richesse seront saisis comme objets des grandes transformations des sociétés musulmanes depuis la période moderne (transformation du régime de propriété, sédentarisation des nomades, sécularisation, etc.). Les historiens accordent une attention croissante aux groupes sociaux minorés comme les pauvres, des sources de l’indigence comme l’endettement aux formes d’assistance, ainsi qu’au rôle des femmes dans leur rapport à ces institutions (femmes exhérédées ou veuves appauvries, filles scolarisées, membres des missions féminines…).
Les recherches de ce thème s’inscrivent en particulier dans les axes transversaux du laboratoire consacrés au fait religieux, ou à la circulation des savoirs ou à l’éducation. Elles se développent dans des partenariats forts développés à l’étranger : réseaux de chercheurs autour du Soudan (I. Seri-Hersch) ou de la Jordanie (N. Neveu), partenariat avec les universités algériennes comme Blida 2 (C. Mussard), avec le Centre Jacques Berque à Rabat (A. Perrier).
D’une manière assez classique, les historiens réfléchissent aux conditions de production de leurs sources, à l’itinérance et à la matérialité des archives. Dans les prochaines années à l’IREMAM, ils le feront en portant une attention encore plus grande aux particularités des régions étudiées : celles-ci se sont encore renforcées ces dernières années et réunissent des recherches déjà conduites au sein de la thématique « Savoirs, pouvoirs, mémoires », augmentées de nouveaux projets.
Le pôle Histoire est traditionnellement l’un des principaux lieux d’étude de sources en langue arabe en France, mais aussi en turc ottoman, hébreu, grec et dans d’autres langues européennes. Au regard des conditions d’accès compliquées à certains pays (Syrie, Yémen) ou aux archives d’État (Égypte, Maroc), les historiens ont été tous amenés à développer un intérêt pour les fonds privés, qu’ils soient toujours entre les mains de particuliers ou se trouvent désormais dans des institutions. Ceux-ci couvrent une large gamme d’acteurs (hommes d’État, gouverneurs locaux, ingénieurs, associations, personnel notarial, familles ordinaires) ou de documents (photographies, registres, correspondance, actes notariés, comptabilité, écrits du for privé). Leur usage, souvent couplé à des enquêtes ethnographiques et à une réflexion sur leur archéologie, s’accompagne d’un travail sur leur mise à disposition, notamment par les nouvelles techniques numériques, propres à faciliter leur catalogage et leur accessibilité.
Plusieurs membres de l’IREMAM s’investiront dans le classement et le catalogage de fonds privés confiés au laboratoire (Ahmad Muhammad Nu‘mān, Jamīl Mardam Bey). Le projet TariMa (financement CollEx-Persée 2022-24) vise la numérisation, la mise à disposition en plein texte et l’annotation de manuscrits arabes du genre historique conservés en France concernant le Maghreb. L’équipe proposera, en plus du séminaire traditionnel sur la paléographie orientale, un autre séminaire de paléographie dédié à l’arabe maghrébin. Plusieurs membres sont enfin impliqués dans l’organisation d’une école d’été internationale sur la lecture des sources ottomanes.