Le pôle Sciences Sociales du contemporain (SSC) regroupe des enseignant.e.s-chercheur.e.s et chercheur.e.s dont les travaux portent sur les processus historiques, politiques, sociologiques, économiques ou culturels qui affectent les mondes arabes et musulmans du début du XXIe siècle jusqu’à nos jours.
Dans un souci comparatiste, il affiche l’objectif de décloisonner la recherche sur le Maghreb et le Moyen-Orient, en questionnant les effets de séquences historiques partagées (colonisations, indépendances, développement, ouvertures économiques, transitions démocratiques, résiliences autoritaires, conflits, etc.) avec d’autres régions du monde. Les recherches prennent en compte les projections actuelles de cette région dans la mondialisation avec des logiques régionales diversifiées (fortes interactions du Maghreb avec l’Europe et l’Afrique subsaharienne, migrations proche et moyen-orientales dans le monde, mais aussi immigrations plus récentes vers le monde arabe). Déployant une perspective transdisciplinaire, les recherches croisent différentes approches des sciences sociales : science politique, histoire du temps présent, sociologie, géographie et anthropologie.
Le pôle Sciences sociales du contemporain organise un séminaire mensuel. Plusieurs autres séminaires thématiques portés par des enseignant.e.s-chercheur.e.s et chercheur.e.s lui sont associés. Ceux-ci sont étroitement liés à deux équipes pédagogiques : celles du master “Dynamiques politiques et mutations des sociétés (Monde arabe, Méditerranée, Europe)” proposé par l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence ; et celle du Master Langues et sociétés, Département d’études moyen-orientales, de l’AMU.
Responsables du pôle : Thomas Pierret et Marine Poirier
Chercheur·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, émérites : Saïd Belguidoum (MCF émérite), Kamel Chachoua (CR), Julien Garric (MCF), Vincent Geisser (CR), Eric Gobe (DR), Françoise Lorcerie (DREM), Cédric Parizot (CR), Thomas Pierret (CR), Marine Poirier (CR), François Siino (IRHC), Marie Vannetzel (CR)
Doctorant·e·s : Riadh Ben Mami, Victor Dupont, Jules Grange Gastinel, Kamélia Hakim, Minas Ouchaklian, Gabriel Terrasson, Clémence Vendryes
Chercheur·e·s associé·e·s : Bernard Botiveau, Rémi Caucanas, Marie-Christine Cerrato Debenedetti, Agnès De Féo, Mouhamadou Mbacké Diouf, Simon Dubois, Jamel El Hamri, Mustapha El Mnasfi, Laure Guirguis, Jean-Robert Henry, Jean-François Legrain, Fabienne Le Houérou, Joe Macaron, Ahmed Mahiou, Stéphane Papi, Mathilde Rouxel, Sbeih Sbeih, Michele Scala
La réflexion des membres du pôle sur la question de l’État au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se focalise sur les recompositions survenues à deux niveaux durant la période de contestation révolutionnaire et de restauration autoritaire inaugurée en 2011. Le premier niveau est celui des élites dirigeantes. Marine Poirier travaille à une sociologie des élites politiques yéménites (ministres, députés, dirigeants de partis, acteurs de la gouvernance internationale et du peace building). Elle interroge les reconfigurations de la classe dirigeante et du champ politique yéménite depuis le début de la guerre civile en 2014. V. Geisser ébauche un projet de recherche intitulé "Servir", portant sur les trajectoires et les pratiques sociales des hauts fonctionnaires tunisiens dans une perspective sociohistorique. Le deuxième niveau d’analyse porte sur les ajustements des stratégies étatiques. S’agissant des politiques sociales, Marie Vannetzel, pilote le projet ANR SUBLIME (Subsidies Lift in the Middle East: Unveiling the Politics of Welfare in Post-Uprising Societies, 2023-2027) en partenariat avec le CERAPS et l’IFPO. Ce programme de recherche explore l'ancrage social des subventions universelles à l'alimentation et à l'énergie et les transformations sociopolitiques majeures que le passage aux transferts monétaires ciblés entraîne, à partir d’une étude systématique, empirique et comparative des systèmes de subventions dans quatre pays MENA (Algérie, Égypte, Liban, Tunisie). M. Vannetzel investigue, dans le cas égyptien, les configurations d’action publique qui ont mené au remplacement progressif des subventions par des transferts monétaires, ses effets sur les économies familiales et les pratiques alimentaires. Un doctorant et un postdoctorant seront recrutés dans le cadre de ce projet à l’IREMAM. Dans cette même veine, Laurence Dufresne- Aubertin (prix Michel Seurat 2019) finalise sa thèse sur les mutations de la question sociale en Algérie et des rapports gouvernants-gouvernés au prisme des politiques de logement. M. Vannetzel participe également au projet ANR VERELECT, lancé en 2021 et dans le cadre duquel elle étudie les pratiques d’ingénierie électorale en Égypte. Th. Pierret analyse quant à lui les politiques étatiques d’administration du religieux dans une perspective comparative au départ du cas syrien. Il étudie ces politiques à la lumière de l’histoire institutionnelle de chaque pays concerné ainsi que des dynamiques internes à leurs champs religieux respectifs. Ses travaux sur la dimension symbolique de la légitimation des régimes de la région incluent également la direction d’un ouvrage collectif à paraître sur les usages politiques des utopies dans le Moyen- Orient contemporain.
Les membres du pôle s’intéressent par ailleurs aux mobilisations politiques et aux transformations sociales que connaissent les sociétés arabes, plusieurs années après les soulèvements protestataires de 2011 et de 2019. Ces travaux s’articulent d’une part autour de l’analyse des mobilisations protestataires et des évolutions des rapports au politique dans des contextes marqués par une forte conflictualité sociale, tout particulièrement en Tunisie. Eric Gobe y étudie les campagnes de mobilisation des jeunes des classes moyennes urbaines, actions ponctuelles sans mouvement social. Il s’intéresse également au populisme et à ses transformations, ainsi qu’aux modalités d’intervention des juristes constitutionnalistes, et plus largement des professions juridiques, dans le champ politique tunisien depuis 2012. V. Geisser poursuit ses recherches sur la vie politique tunisienne, en général, et sur les mobilisations des oppositions en particulier. En Tunisie toujours, Mohamed Slim Ben Youssef étudie dans sa thèse les protestations dans les mondes du travail post-2011 (prix Michel Seurat 2022), tandis que celle de Riadh Amine Ben Mami porte sur les associations de surveillance démocratique. Victor Dupont débute quant à lui une thèse sur le rapport au politique des jeunes tunisiens diplômés chômeurs, dans le cadre de l’ERC LIVE-AR qui porte sur les conséquences biographiques et sociales de l’engagement révolutionnaire. Dans son travail sur les groupes armés non étatiques en Syrie, Th. Pierret s’interroge sur la question de la légitimité, qu’il aborde à la fois comme le but de stratégies de légitimation, et comme un ensemble de normes contraignant l’action des groupes concernés. K. Chachoua prépare la publication d’un manuscrit d’entretiens avec les principaux chefs de partis politiques de l’Algérie des années 1990, alors en train d’expérimenter le multipartisme et la démocratie après le mouvement social du 5 octobre 1988.
D’autre part, c’est la question des classes sociales qui anime la dynamique de recherche au sein du réseau international de recherche (IRN) EGYCLASS (A Comprehensive Survey of Social Classes in Post-Revolutionary Egypt). Coordonné par M. Vannetzel et financé par le CNRS (2021- 2026), ce réseau qui réunit une soixantaine de chercheur.e.s étudie la structuration de la société égyptienne et ses évolutions récentes (partenariat CEDEJ Le Caire, American University in Cairo, Orient Institute Beirut, Ghent University, Halle-Martin Luther University, Oslo University). Dans le cadre de ce projet, M. Vannetzel s’intéresse notamment à la construction des indicateurs sociaux et aux modes de consommation des ménages ; M. Poirier à la reproduction des classes supérieures. Dans une approche sociologique similaire, K. Chachoua travaille quant à lui à la rédaction d’un ouvrage de synthèse de ses travaux sur l’Algérie contemporaine (HDR et projet d’ouvrage intitulé Sociologie de l’Algérie). Cette contribution s’articule notamment autour d’une réflexion sur quatre figures fondatrices des sciences sociales sur le Maghreb et l’Algérie (Pierre Bourdieu, Mouloud Mammeri, Fanny Colonna et Abdelmalek Sayad) qu’il a traduits vers l’arabe.
Parallèlement à l’axe transversal consacré au fait religieux, la présence musulmane en France, et plus largement dans les sociétés occidentales, est étudiée au sein du pôle sous l’angle de l’ethnicisation des rapports sociaux. Cette question est abordée, premièrement, dans le cadre scolaire, qui fait l’objet de deux collectifs de recherches cofondés par F. Lorcerie : le Réseau international Éducation et diversité (RIED, fondé en 2003), et le GT 13 « Éducation et diversité » de l’AISLF (fondé en 2020). Analysant, dans ce même contexte scolaire, la promotion de la nouvelle laïcité ainsi que le racisme et l’éducation antiraciste, J. Garric se penche quant à lui sur les processus d’altérisation et de discrimination subis par les élèves et membres du personnel scolaire originaires des mondes arabes et musulmans, mais aussi aux formes de résistance, aux ressources qu’ils et elles peuvent mobiliser. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre de l’équipe « citoyenneté numérique et diversité : recompositions et perspectives éducatives » du pôle AMPIRIC, Pôle Pilote de formation et de recherche en éducation du PIA3, que J. Garric codirige avec Sophie Gebeil (Telemme). Le travail de l’équipe conduira à la mise en place d’un forum ouvert de la citoyenneté numérique prévu en 2023. S’agissant toujours du milieu scolaire, et en coopération avec l’INSPE, F. Siino travaillera au traitement (notamment statistique), à la publication et à la valorisation d’une enquête menée avec I. Seri-Hersch auprès d’enseignants d’histoire-géographie en 2019 à propos de l’enseignement des mondes arabes et musulmans dans les collèges et lycées de l’Académie d’Aix-Marseille. L’ethnicisation des rapports sociaux est également appréhendée au niveau politique par V. Geisser, qui rédige une HDR sur le processus de création d’une communauté musulmane à Marseille par l’action des élites politiques municipales. Il supervise, dans le prolongement de cette réflexion, un projet de recherche financé par le Bureau Central des Cultes qui prendra pour étude de cas le vote communautaire à Sarcelles. F. Lorcerie mène, à ce même niveau, une réflexion sur les mots et pratiques par lesquels le politique se saisit de (et s’efforce de conjurer) la transformation de la communauté nationale du fait de la présence des populations postcoloniales constituées en « minorités ». K. Chachoua approfondira une enquête de terrain entamée en 2022 dans la banlieue lyonnaise sur l’histoire sociale de la construction sociale d’une vie religieuse communautaire au sein des populations issues de l’émigration-immigration maghrébine en France. Ce processus sera étudié, en première instance, par le biais d’entrepreneurs culturels, économiques et religieux de la région.
Nombre de travaux portent enfin sur les migrations et les mobilités. S. Belguidoum travaille sur les figures sensibles de la traversée en Méditerranée (CARGO, 2021-2023, financement SoMum AMU) en partenariat avec Mesopolhis. F. Le Houérou poursuit ses recherches autour du soufisme et des migrations à partir de deux terrains principaux : les circulations confrériques entre la France et le Sénégal, et au nord de l’Inde, les réfugiés Tibétains musulmans et les bardes soufis du Rajasthan. Elle développe notamment son travail sur les itinérances des musiciens du désert du Thar, dont les circulations ignorent les territoires et les frontières, avec un focus sur le pèlerinage d’Ajmer (ethnographie filmée). La question des mutations des frontières et des espaces de nos sociétés contemporaines est également étudiée dans le cadre du projet antiAtlas des Frontières, coordonné par C. Parizot. Une part importante de ces questions est développée autour des espaces israélo-palestiniens. D’une part, dans le projet « De la polygamie aux frontières », en collaboration avec une équipe transdisciplinaire, C. Parizot étudie les liens entre la régulation des circulations des populations palestiniennes, les stratégies d’alliance, droits et processus de frontiérisation intercommunautaires en Israël Palestine de 1967 à nos jours (projet dirigé par R. Jacquemond, partenariat Amidex, CRFJ, IREMAM). D’autre part, il supervise trois doctorants : Théo Borel (Migrations militaires vers Israël), Gabriel Terrasson (Les travailleurs palestiniens en Israël en période post-COVID et post-numérique) et Clémence Vendryes (repenser la géographie de la nation à travers les cimetières palestiniens). Hugo Darroman étudie dans sa thèse le cinéma révolutionnaire palestinien entre 1967 et 1982 dans une perspective transnationale, en suivant les transferts culturels entre médiateurs français et palestiniens. M. Poirier s’intéresse à la dimension transnationale de la guerre civile au Yémen et aux circulations des élites en Égypte, Turquie, Jordanie, dans le Golfe et en Europe.